De la guerre. N°2.

Un OVNI plus qu’utile…

Je viens de refermer le numéro 2 de ce Mook (mi-magazine, mi-ouvrage) et avant d’en couvrir le sommaire dense (216 pages), je souhaite faire un point d’introduction.

J’avais découvert ce format avec le Mook 1944 proposé par les éditions Weyrich sur la seconde guerre mondiale.

Hybride entre un magazine (magazine) et un livre (book),le Mook nous offre plus de profondeur d’analyse que les magazines mais reste multi-sujets. Bien sûr, le format permet de maintenir une richesse iconographique certaine qu’on ne retrouve jamais dans les ouvrages classiques.

C’est donc à la recherche d’un équilibre que se situe ce format novateur: multi-sujets, richesse iconographique, plus de profondeur. Est-ce suffisant pour trouver son marché, l’avenir nous le dira. Parce que la faiblesse du format reste sa distribution: à 216 pages, le format a du mal à exister dans les maisons de la presse. D’ailleurs avec ce numéro 2, De la guerre n’y est plus distribué. Et c’est la qu’une production par les éditions Perrin y gagne, la distribution s’effectuant via les libraires ou via le e-commerce. Donc avec une parution annuelle, on risque d’oublier, et avec un tel format, il va falloir convaincre.

Après avoir réfléchi sur l’écrin, concentrons nous sur le contenu. La direction de la rédaction est confié à Jean Lopez qui anime avec succès et depuis ses débuts le bimestriel Guerres & Histoire qui après Mondadori est entré dans le catalogue de l’éditeur de magazines Reworld Média. On retrouve, en grande partie mais pas seulement, l’équipe de rédaction du magazine.

Le sommaire de ce numéro 2:

• L’odyssée du San Pedro. Une approche du combat naval au début du XVIIe siècle. Par Alexandre Jubelin. Il s’agit d’une reconstitution fictive de l’approche puis du combat entre un navire espagnol et un navire hollandais. Très vivant et efficace pour comprendre le combat naval sans pitié, de l’époque.
• La Trébie, le lac Trasimène et Cannes. Rome par trois fois à genoux. Par Frédéric Bey et Julien Peltier. Il s’agit d’une synthèse de la campagne d’Hannibal en Italie lors des guerres puniques. Le travail d’infographie historique est impressionnant.
• Léon Cuffaut, le chasseur chanceux.Transcrit et édité par Jean Lopez. Intéressante restitution de la carrière d’un aviateur français de l’avant-guerre jusqu’à la guerre d’Algérie. Du premier choix !
• Napoléon III, deviez-vous vraiment entrer en guerre ? On avait déjà pu apprécier ce format d’article dans le n°1 de De la guerre. C’est ici, Antoine Reverchon qui procède à l’interview journalistique d’un empereur déchu installé en Grande Bretagne ! Humour au rendez-vous !
• Corée: la guerre oubliée. En un article synthétique, Jean Lopez nous relate les opérations de la 1st Provisional Marine Brigade débarquée en Corée en 1950, il s’appuie pour ce faire sur les clichés de David D. Douglas, lui même ancien Marine.
• Aux origines de la guerre. Un article très intéressant proposé par Maxime Petitjean qui part de l’archéologie pour déterminer les origines de la guerre aux temps préhistoriques. J’ai trouvé ce sujet passionnant !
• La guerre hybride, objet doctrinal non identifié. Ici aussi, Benoist Bihan nous délivre un sujet très interessant sur la construction d’une (et donc des) doctrine militaire. Ce qu’il dit de la guerre hybride vaut aussi pour la guerre de haute intensité qu’on nous sert aujourd’hui… 😉 Brillant !
• Hubert Védrine: « Je me méfie de l’exaltation ». Pastiche militaire du célèbre Questionnaire de Proust à brûle-pourpoint proposé par Jean Lopez à ce politicien et diplomate dont les réflexions sur le monde d’aujourd’hui restent bien intéressantes.
• Opération Merkur. Une victoire pas si désastreuse. Nicolas Aubin nous livre une approche de l’assaut aéroporté allemand en Crète bien différente de ce que nous a livré l’historiographie classique jusqu’ici ! C’est novateur et vraiment bien maîtrisé ! well done !
• Le canon médiéval, une histoire qui sent la poudre. Au delà du titre racoleur, Emmanuel De Crouy-Chanel nous livre une histoire des tâtonnements et de la montée en puissance des canons dans la guerre médiévale. Beau travail !
• La destruction du Second Temple. Mise en perspective de l’importance du lieu et de l’événement dans l’histoire antique jusqu’à aujourd’hui. Par Lasha Otkhmezuri.
• La mémoire des armées. Quelques clichés clés qui situent l’importance de conserver les images, ce qui est fort bien fait par l’ECPAD ! Par Jean Lopez.
• Ulysses S. Grant contre Robert E. Lee. Les champions de l’affrontement Nord-Sud. C’est évidemment Vincent Bernard, auteur d’une biographie de chacun des deux protagonistes, qui nous présente ce chassé-croisé intelligent entre ces deux généraux de la guerre de Sécession. Une très bonne synthèse !
• Dans les pas de l’armée d’Orient. J’ai beaucoup apprécié ce format: retourner sur les pas des soldats français et refaire leur périple en dix jours sur un terrain quand même bien difficile. De l’histoire, du voyage, des rencontres. Passionnant de bout en bout. Par Emmanuel Hecht.
• La légende Bigeard à la loupe. Ah Marcel Bigeard, quel personnage ! Hervé Borg, bien connu des lecteurs de Vae Victis, nous propose une synthèse de la vie mais aussi de la légende construite par Bigeard lui-même autour de ses faits d’armes.
• L’embuscade de la vallée d’Uzbin. Retex sans concession mais avec beaucoup de respect proposé par le colonel Michel Goya. Synthèse parfaite.
• L’énigme des 75%. Belle enquête historiographique proposée par Jean Lopez qui est allé interrogé l’historien français, Jacques Semelin, sur les travaux du très célèbre Robert O. Paxton sur la France de Vichy et la question juive. Un article plus qu’intéressant pour moi.

Comme dans le magazine Guerres & Histoire, un dossier central consacré aux femmes au combat. Il est constitué de sept articles:

• Band of sisters. Les unités féminines réellement combattantes sont-elles un mythe ? Par Pascale Desclos.
• Pourquoi y a-t-il tant de femmes kurdes au combat ? Olivier Grosjean, universitaire, est interrogé par Emmanuel Deslouis.
• La guerres des trois Jeanne. Trois femmes au combat en Bretagne durant la guerre de Cent Ans. Un sujet original traité par Valérie Toureille.
• La seconde guerre mondiale des femmes. On retrouve l’habillage infographique au service d’un sujet. Choix des sujets et pertinence de la représentation graphique. Ici, c’est Vincent Bernard qui se joint au talent technique et artistique de Julien Peltier.
• Les combattantes de l’Armée rouge: entre réalité et propagande. On est terriblement loin de la réalité en effet ! Ça doit nous rappeler quelque chose, non… 😉 Par Liouba Vinogradiva interrogée par Lasha Otkhmezuri.
• Les femmes dans Tsahal. Une saga en trompe-l’oeil. Ici aussi les images tombent ! 😉 Par Pierre Grumberg.
• Qu’est-ce qui pousse à la féminisation des armées ? Analyse, toujours bien pertinente, proposée par Benoist Bihan.

En refermant ce lourd tome de 216 pages, de très belle qualité de papier, au soutien iconographique exceptionnel et au contenu intelligent, novateur, je ne peux que saluer le travail réalisé ! On en redemanderait … plus qu’une fois par an. Chapeau !

De la guerre. Eté 2022. 216 pages proposée par les éditions Perrin.

Pour rappel, le De la guerre n°1.