Comment une catastrophe annoncée peut se réaliser…
La Prusse avait connu sa « grande catastrophe » lors de la campagne de la Grande Armée de Napoléon en 1806. La campagne de l’été 1940 fut la « grosse catastrophe » de l’armée française au 20ème siècle.
En quelques semaines, l’armée française, que beaucoup considéraient comme la meilleure du monde, s’est écroulée et, avec elle, la jeune Armée de l’Air française.
L’aviation avait fait ses preuves durant la Grande Guerre mais l’immédiat après guerre va donner lieu au démantèlement des unités et à la recherche d’une nouvelle doctrine. Il faudra la naissance d’un Ministère de l’Air pour donner naissance à une arme indépendante: l’Armée de l’Air. Mais son existence, distincte de l’armée de terre, va être régulièrement remise en cause. La grande crise va également passer par là et l’industrie aéronautique aura bien du mal à préparer la montée en puissance dans l’immédiat avant guerre.
Patrick Facon nous propose de revisiter la naissance et l’histoire de l’arme aérienne française de l’avant guerre jusqu’à l’armistice de juin 1940. Rien ne sera épargné à l’armée de l’air: rapports conflictuels réguliers avec l’armée de terre, choix politiques hasardeux, modèles vétustes ou dépassés, plans industriels non tenus, défauts d’organisation…
L’ouvrage de Patrick Facon est résolument tourné vers la compréhension de l’échec français. Et là, la mission est bien remplie. Par contre, côté allemand, bien peu d’informations pour expliquer le succès de l’aviation nazie. Pour moi, il s’agit d’une impasse délicate car, à un échec patent, il faut associer l’efficacité incontestable de notre adversaire. Le désastre s’est joué dans une partition à plusieurs acteurs. A ce titre, l’auteur met bien en valeur le rôle actif joué par la RAF britannique et les questions clés que se sont posés le commandement aérien et le pouvoir politique britanniques lors des folles journées de mai-juin 1940.
Donc pour moi qui connaissait trop peu le sujet, un ouvrage clair, précis sur le sujet auquel il manque cependant le point de vue de « l’autre côté de la colline ».
On regrettera aussi l’absence d’une bibliographie même sommaire et de notes de base de pages. Avec un cahier photos en n/b inclus dans la pagination.
je croyais que l’échec de l’armée de l’air française était très largement relativisé avec les études récentes (les fameuses 1000 victoires de la chasse française…)
@Vincent: Patrick Facon évoque les victoires aériennes françaises dans son dernier chapitre. Si on cumule celles ci à celles des britanniques, néerlandais et belges, l’ordre de bataille aérien allemand aurait largement été érodé. Il en est de même des victoires déclarées de la Luftwaffe… Mais les méthodes de comptage sont délicates: on descend un zinc à deux. On enregistre deux victoires… Pour ma part, je ne peux que constater le résultat: une défaite totale: politique, géopolitique, stratégique, militaire (terre, air), morale. En ces années du cinquantenaire, beaucoup d’auteurs et de médias ont voulu « redorer le blason » de l’armée française ou plutôt du soldat français. Pourquoi pas ? Au final, la France a enregistré l’un de ses plus grands désastres de son histoire. Dont acte.
@ Vincent : il y a eu un article dans le magazine Aérojournal, résumé sur le blog de Jean-Dominique Merchet sous le titre « le mythe des « 1000 victoires » aériennes définitivement explosé ».
Un problème, c’est que l’auteur a semblé être très critique sur les revendication françaises (ca, ce n’est pas un défaut), mais prendre pour argent comptant les revendications britanniques.
Selon lui, les chasseurs français auraient abattu environ 355 avions allemands, et les Britanniques, 525 ennemis.
Or, il y avait environ 600 chasseurs français au 1er mai 1940, et 500 Hurricanes ont été engagés. Les Hurricane de l’époque avaient des hélices bipales en bois et atteignaient 491 km/h, soit pas mieux que les avions français.
En conséquence, il apparaît pas très raisonnable de créditer les anglais d’autant de victoires. Les études moins précises mais plus équilibrées évaluent les vraies victoires anglaises à environ 300. Ce qui donnerait sans doute quelques-unes de plus aux Français.
En outre, les Allemands, comme toute armée de l’air ayant une supériorité aérienne sur un théâtre, peuvent avoir été tentés d’attribuer des pertes dues à la chasse françaises à d’autres causes (DCA).
Certes, croire encore aux 1000 victoires relève dans tous les cas de la propagande. Mais il faut aussi être critique vis-à-vis d’études présentées commes « définitives ».
@Rob1: bien en phase sur les chiffrages toujours délicats en termes de pertes à chaud liées aux actions aériennes quelque soit le camps. Il y a le même problème quant aux pertes occasionnées au sol par le support aérien par exemple durant la bataille de Normandie. Les enquêtes sur le terrain après les combats ont révélé bien des surprises. Concernant la campagne de 1940, au delà des chiffres des victoires acquises, il y a de toute façon la lourde défaite des ailes et des armes françaises. Merci d’être passé par ici ! 😉