Un court texte de Gérard Chaliand pour faire le point de la situation afghane début 2011.
Comme le titre de son ouvrage l’indique, Gérard Chaliand n’est guère confiant sur l’issue du conflit car, avec les guerres asymétriques, quand on ne les gagne pas, on les perd.
Dans le premier tiers de l’ouvrage (50 pages), il revient sur les conditions de succès et d’échec des guerres de la colonisation et de la décolonisation. C’est une étape indispensable pour inscrire les guerres révolutionnaires ou asymétriques dans le temps de l’Histoire. De plus Chaliand est vraiment l’un des spécialistes français de la question.
Dans la deuxième partie (100 pages) titrée « Irak-Afghanistan, deux échecs liés », il revient sur les concepts de remodelage démocratique du « Grand Moyen-Orient » et de « guerre contre le terrorisme » qui ont tous deux échoué selon lui et il s’en explique. Concernant l’Afghanistan, s’il reconnait l’intérêt de la stratégie de contre-insurrection mise en œuvre par les généraux Petraeus et McChrystal, il n’en note pas moins que les conditions de succès ne sont pas remplies: effectifs réduits des troupes de la coalition, non intégration aux populations locales (bunkerisation), opposition farouche des talibans avec un sanctuaire pakistanais, difficulté à monter une armée nationale afghane en qualité et en volume, corruption endémique de la police et de l’état afghan.
Je note cependant quelques points positifs:
- de fait, depuis les attentats de New-York, Madrid et Londres, la pression terroriste en Occident n’a pas repris
- le réseau Al-Qaida n’existe plus en termes d’unité coordonnée
- si la démocratie tarde à s’imposer, les « révolutions arabes » sont aussi l’expression de peuples désireux de s’inscrire dans un mouvement plus démocratique
- en ce qui concerne l’Irak, les États-Unis contribuent à maintenir un équilibre instable entre une majorité chiite, une minorité sunnite toujours active et des kurdes toujours à la recherche de leur état autonome. Bref, la nuisance de la puissance régionale sous Saddam Hussein a disparu et les sources d’approvisionnement pétrolier sécurisées temporairement à minima.
- concernant l’Afghanistan, la situation est délicate: la guerre coûte cher, la fatigue occidentale s’installe dans la durée, les talibans ne désarment pas. En même temps, les pertes de la coalition sont en diminution par rapport à l’année dernière.
Donc fondamentalement un bon texte pour ceux qui ne sont pas plongés régulièrement dans ces conflits du 21ème siècle. Un bon résumé de ce que Chaliand a déjà signalé par ailleurs dans ses articles ou dans d’autres ouvrages.
Sûrement un bon diagnostic, connaissant l’auteur. Sur un sujet qui depuis des années ne m’inspire qu’une forme de découragement et de résignation. Qu’on l’aime ou pas, Robert Fisk avait vu juste voici 4 ou 5 ans déjà. Il était impossible de ne pas y aller. Il est tout aussi impossible d’y atteindre de la sorte les ambitions politiques fixées, aussi louables soient-elles. Le problème n’est pas qu’une question de doctrine ou de moyens opérationnels. mais la superposition des fléaus. La corruption. La population prise en tenaille. Le rôle ambigu du Pakistan. Les facteurs tribaux. L’énorme emprise de la culture de l’opium. L’enjeu n’est plus de « gagner cette guerre », déjà gagnée en 2001, puis reperdue un peu plus à chaque jour qui passe. Il est de tâcher d’en sortir en sauvant la face; et sans illusion sur la suite. A ce jeu-là, quels que soient les moyens opérationnels déployés, nous ne pouvons lutter durablement sans nous obstiner dans l’échec. Découragement et résignation.
On pourrait reprendre avec Bir le débat entamé il y a 18 mois …
Que s’est il passé depuis 18 mois ?? Rien … aucun progrès sur aucun plan (militaire, politique, economique …)
Et entre temps :
des dizaines de nos soldats sont morts ( pour rien …)
des milliers d’Afghans ont été tués …
Comme le dit Zapata , la guerre a été gagné en 2001 puis reperdue ensuite .
Chaque jour qui passe est une défaire supplémentaire .. AU final le gouvernement fantoche de Karzai resistera 15 jours au départ des occidentaux … les Talibans reviendront et l’Afghanistan redeviendra dans le pire des cas un sanctuaire hostile à l’Occident …. Des centaines de milliards de dollars auront été cramés pour rien
@Zapata & Superben: découragement, résignation, chaque jour une défaite… Oh, oh ! C’est clair qu’on ne va pas résoudre le problème afghan ou plutôt le problème pachtoune. L’Afghanistan va retourner à ses démons anciens mais n’oubliez pas que les zones ouzbek, tadjik et azara ne seront guère talibanes; retomber sous le joug des talibans, c’est à voir… 15 jours pour tomber, le régime de Karzai ? On en reparlera aussi. Les talibans ne sont pas structurés pour les combats de densité. La position pakistanaise est bien moins assurée que par le passé également. Les soutiens wahhabites inexistants. Bref, le match n’est pas joué, loin de là. Mais les Occidentaux vont quitter la partie; simple question de temps. Merci d’être passés par ici.