25 octobre 1415.
En ce terrible jour de la Saint Crépin, les Anglais d’Henry V, épuisés et surpassés largement par le nombre, allaient finalement soumettre l’armée du Roi de France à l’une des plus cinglantes défaites de son histoire militaire.
La lecture récente de « Azincourt« , le roman de Bernard Cornwell consacré à la bataille, m’a amené à ressortir ce vieux wargame de 1978 signé par Jim Dunnigan, l’un de mes concepteurs préférés.
Présentation du jeu.
- une carte au format classique SPI (22″ x 34″)
- 270 pions avec un certain nombre d’entre eux doubles
- un livret de 32 pages comprenant les règles de jeu (12 pages), 4 scénarios (2 pages), les tables (4) et une série d’articles bien complets d’Albert A. Nofi sur le contexte général et le déroulement de la bataille ainsi que sur l’art de la guerre de l’époque.
Le système
- Le plus important pour moi dans un wargame est sa capacité à faire comprendre ce qui s’est passé et ce qui aurait pu finalement impacter un résultat différent que celui réellement advenu.
- Le problème, avec la bataille d’Azincourt, c’est qu’il s’agit d’une bataille que les Français n’auraient pas dû livrer. Un terrain détrempé sur un front réduit quand le rapport des forces leur était largement favorable (de 1 à 3 ou de 1 à 5 selon les sources). Mais finalement, ils l’ont fait subissant les volets diaboliques des 6.000 arcs longs (long bow) anglais. Quelle folie ! 60.000 flèches à la minute…
- Jim Dunnigan nous propose un système extrêmement brillant pour simuler cette bataille qui vit, comme l’affirme le sous titre, le triomphe de l’archerie sur l’armure en ce jour de la Saint Crépin 1415 !
Les faits saillants de son système:
- L’échelle temps: la simulation se déroule sur 24 tours de trois minutes, soit un peu plus d’une heure de bataille pour arriver au résultat que l’on sait… Chaque tour comporte trois impulses de mouvement – et de tir – pour simuler l’effet des volées de flèches anglaises.
- Le fait marquant de la bataille d’Azincourt a été l’archerie anglaise. Dunnigan s’est penché sur le problème pour simuler l’effet dévastateur des volées des long bows – une volée par minute. L’efficacité est simulée par des tables très complètes avec un effet maximum à mi-portée. Les volées enlèvent des lignes complètes aux unités visées et les stocks de flèches sont limités (on gère donc leur approvisionnement).
- La résilience des unités: chaque unité est constituée d’un nombre de lignes plus ou moins profond. Les tirs et les mêlées font disparaître les lignes une à une jusqu’à disparition complète de l’unité. Le système est progressif avec une accélération au fil du temps.
- Les pertes causées aux unités se traduisent par l’apparition de pions « morts » statiques et de pions « fugitifs » mobiles. Les morts et les fugitifs impactent les tests de moral des unités, les fugitifs influent le mouvement des unités des lignes successives. Un concept rarement simulé sur les tables de jeu. Intelligent !
- Le moral des unités et de l’armée: c’est le point central du système de Dunnigan. L’unité subit un effet moral en elle même mais l’accumulation de pertes et de fugitifs autour d’elle l’impacte également. Le cumul des pertes impacte également le moral de toute l’armée qui glisse peu à peu vers une rupture possible mais définitive !
- La mêlée simulée de manière assez classique, en choc frontal avec des pertes progressives… encore faut-il arriver jusque là dans un état correct… ce qui est très difficile pour les Français dans le scénario de base
- Évidement, on trouve des éléments de chrome: les fameux pieux devant les archers, la récupération des flèches au sol si les approvisionnements sont épuisés, les combats entre nobles qui ne peuvent être refusés, la mort ou la capture du roi Henry V qui peut faire basculer la bataille,…
Le résultat.
- la simulation est terriblement efficace – j’ai joué le scénario solitaire jusqu’au tour 8 – la première ligne française a craqué et la deuxième ligne peine à arriver sus aux anglois – une boucherie…
- De cela, je retire que le système est une excellente simulation – ce qui me passionne – mais un jeu exaspérant à jouer pour le joueur français. Je le répète: il fallait éviter de se battre dans ces conditions là…
- Donc le scénario historique « suitable for solitaire play » l’est en effet ! Les trois autres scénarios permettent de tester des conditions plus favorables au Français: un terrain sec avec un placement français libre, un placement libre français, terrain humide mais sans pieux pour les archers anglais et enfin, un terrain pleinement découvert mais humide
- Au final, pour moi, un magnifique travail d’analyse de la bataille et de simulation mais un jeu qui désintéressera plus d’un wargamer d’une bataille finalement sacrément déséquilibrée. Bref, pour les vrais passionnés d’histoire militaire.
Et souvenez-vous des vers de Shakespeare dans Henry V: « a band of brothers« .
D’autres avis et des exemplaires en vente sur BordGameGeek.
Agincourt ? C’est où Agincourt ? Personne ne connaît Agincourt ! Pas plus qu’Alegia ! (Ni Courtrai, Crécy, Pavie, Ramillies, Rossbach, Sedan, Sedan, Sedan … c’est comme ça).
Allez, hop hop hop, jeu suivant ! 😉
PS : belle analyse et beau système toutefois, si ce n’est qu’en effet les règles les plus abouties et « réalistes » font bien souvent les jeux les moins ludiques – Souvenirs lointains de SPQR notamment 🙂
Ben, ils ont bien le droit de donner le nom qu’ils veulent à leur victoire ! 😉
Belle trad sur les F4.