Histoire d’une enquête ? Il eut fallu une enquête historique…
Florence Beaugé est journaliste au début du 21ème siècle. Son sujet depuis quelques années: la torture pendant la guerre d’Algérie.
Elle n’est pas historienne. Mais elle va devoir nous parler d’histoire, d’histoire de la guerre, d’histoire de la guerre révolutionnaire.
Florence Beaugé n’est pas historienne. Elle le reconnaît bien volontiers. Elle va se retrouver plongée dans une quête, qui va la toucher, la bouleverser et la marquer à vie par expériences humaines interposées. Florence Beaugé est sincère dans sa quête et dans son enquête. Elle veut comprendre, elle veut savoir, elle veut dire que l’armée française ou une partie de l’armée française ou plus précisément que quelques soldats français qui sont aujourd’hui des personnalités connues et reconnues ont torturé en Algérie.
Le journalisme l’a emporté sur la recherche historique. Elle a choisi ses cibles, ce seront des personnalités de la fin du20ème siècle. Et les autres, tous les autres ?
Florence Beaugé passe à côté du sujet historique en ne situant pas le problème dans sa perspective historique, dans toute sa perspective, en se concentrant sur 5 personnages emblématiques, en n’accordant de valeur qu’aux témoins du FLN qui sont vivants pour en parler… Dommage, le sujet mérite mieux : contexte de la guerre d’Algérie, comment en est on arriver là, les faits avérés, les responsabilités engagées, les séquelles pour les victimes et pour les tortionnaires, pouvait on faire autrement ?
N’attaquer que les personnalités, ne pas donner la perspective historique indispensable, minorer le cycle qui amène les violences à se superposer l’une à l’autre : l’engrenage de la guerre révolutionnaire.
Alors l’Algérie une guerre sans gloire ? Peut-être. Une enquête sur l’histoire ou l’histoire d’une enquête. Résolument l’histoire d’une enquête d’une femme marquée par ce qu’elle a entendu mais sans la rigueur historique indispensable.
Donc un ouvrage à lire bien évidemment mais avec toute la circonspection nécessaire.
Et pour conclure, je ne peux que conseiller l’excellent et subtil film de Pierre Schoendoerffer consacré au sujet : « L’honneur d’un capitaine ».
Un auteur qui enquête à sens unique ne fait pas de l’Histoire mais de la politique et pour la torture sans doute de la morale. Comme tout homme du XXIe siècle, à l’abri de conflits majeurs, je suis un fervent opposant à la torture. Et il fallait considérer les combattants du FLN qui tombaient aux mains de l’armée française, comme des prisonniers de guerre. Mais dans le contexte du lieu et de l’époque, est-ce que j’aurais eu la même réaction ? C’est là toute la question. Et quand on dénonce une barbarie, il faut dénoncer toutes les barbaries. Le FLN a également pratiqué la torture et bien au-delà la guerre d’indépendance. Et la torture en temps de paix n’est-elle pas plus contestable que celle pratiquée en temps de guerre ?
Vincent Lajaro
@Vincent
Un sujet bien difficile… qui nécessite un travail sans à-priori de l’historien. Je n’ai pas trouvé cela chez Florence Beaugé !