Un numéro hors-série trés intéressant signé par Hughes Wenkin et Yannis Kadari.
Ah, cet été 1944 avec ces occasions manquées ou perdues ! Naturellement, on pense que l’été 1944 fut une période de victoire pour les Alliés. Ce fut indubitablement le cas, tant dans le débarquement en juin 1944 sur les plages de Normandie que dans l’arrivée sur l’Escaut en Belgique et en Lorraine dans l’est de la France. Mais la question que se posent les deux auteurs est essentielle: les Alliés avaient-ils de quoi plier la guerre avant l’hiver 1944 ? Quelles furent les occasions manquées et les causes qui les expliquent ?
La démonstration va se faire en six points clés:
- La cacophonie des généraux, entre surdité et compétition: depuis l’élaboration du plan allié jusqu’à la percée, les avis divergèrent principalement entre Américains et Anglais, la personnalité de Montgomery aggravant le phénomène. La situation empira avec l’implication croissante de Churchill mais aussi l’impact des presses nationales des deux côtés de l’Atlantique.
- Falaise, premiers faux pas ! Entre tergiversations et incohérences. Une percée nette, une incroyable opportunité donnée sur un plateau par Hitler par une contre-offensive périlleuse, un échec britannique de plus et des Américains décidés à envelopper largement les Allemands: tous ces éléments vont permettre à ces derniers d’éviter un encerclement majeur dont ils n’auraient pu se remettre. Trop d’hommes vont pouvoir s’échapper de la poche de Falaise…
- Planification et ravitaillement. Les parents pauvres de la stratégie alliée. C’est vraiment là que les Alliés vont perdre le « grand chelem ». Car la projection d’un tel nombre d’hommes, d’un tel tonnage d’équipement et de carburant à travers la mer puis à travers la France et la Belgique vont nécessiter une mécanique hors mesure. Mais dès le début, avec la terrible tempête qui va mettre à mal les ports artificiels, avec l’incapacité à prendre Caen et le délai mis à prendre Cherbourg, les Alliés ne vont jamais rattraper les tonnages perdus pour projeter toutes leurs forces dans la course finale au Rhin que ce soit en Alsace ou en Hollande… C’est d’ailleurs là l’un des points majeurs de tension entre les différents commandements militaires alliés.
- L’affaire d’Anvers. Passe, perd et manque ! J’ai longtemps mésestimé ce fait pourtant décisif sur l’opération Market Garden et sur le rétablissement allemand devant la Ruhr. Anvers, plus grand port en eau profonde de l’Europe de l’ouest, était à l’évidence un objectif majeur et essentiel. Il le fut tellement que les Britanniques se focalisèrent dessus négligeant de pousser plus avant pour conquérir la presqu’île de Walcheren qui protégeait les accès au grand port et qui permis à la 15.Armee allemande de s’échapper.
- Patton en panne sèche. Le gâchis lorrain. Patton était persuadé, s’il avait eu les approvisionnements nécessaires, qu’il pouvait atteindre le Rhin et entrer en Allemagne, dans la Sarre, deuxième région industrielle majeure de l’Allemagne à l’ouest après la Ruhr. Mais le manque de carburant mais aussi d’obus d’artillerie vont le ralentir et l’empêtrer finalement dans les défenses de Nancy mais surtout de Metz.
- « Market Garden », l’heure de vérité. En septembre 1944, loin de ses habitudes, Montgomery va proposer le coup de poker de sa carrière en Hollande: un tapis de trois divisions aéroportées pour permettre au XXXe corps blindé britannique de Horrocks de prendre position au delà du Rhin à Arnhem. On connaît la suite: un manque de moyens aériens, une route unique pour progresser dans un terrain difficile maillé de coupures humides. Bref, « un pont trop loin » pour des Alliés sous-estimant un adversaire certes épuisé mais encore combattif, surtout à deux pas du Vaterland !
Si on ajoute à ce bon texte, bien clair et compréhensible, une iconographie abondante et souvent originale, on a là un excellent numéro de la revue Batailles & blindés ! Toutefois, il manque une bibliographie indicative permettant au lecteur d’aller plus loin sur les différents sujets. Hum, hum, erreur ! Il y a une bibliographie complète en 2ème page de couverture ! Merci à Hughes Wenkin de me l’avoir signalée ! Donc tout va bien ! 😀 Du coup, j’ai repéré, sur cette 2ème de couv une coquille: l’orthographe de Wenkin est bien avec « e » et non avec un « a » ! 😉
Batailles & blindés hors-série n°25. Numéro d’octobre et novembre 2014. Un magazine des éditions Caraktère. 116 pages.