Cela fait près de 20 ans que les éditions Caraktère existent. Je me souviens encore des premiers numéros dans les maisons de presse. Je suis allé chercher quelques informations sur l’histoire de cet éditeur et de son créateur, le sympathique Yannis Kadari !
Le Rombier: Qui êtes-vous, Yannis Kadari ? Et qu’est-ce qui vous a amené à créer et animer les éditions Caraktère ces vingt dernières années ?
Yannis Kadari: Né dans les derniers jours de 1971, j’ai grandi à Paris puis à Marseille. J’ai une double formation universitaire en droit et en commerce international. Surtout, je suis un passionné d’histoire militaire depuis mes neuf ans. À l’orée des années 2000, j’écrivais dans plusieurs revues, en France mais aussi à l’étranger. L’offre francophone était généreuse, mais je trouvais que le ton de ces magazines était toujours le même. J’ai voulu innover, changer les choses, mêler une approche journalistique et historique, mettre l’accent sur l’iconographie, les angles d’analyse, laisser parler les témoins et sortir de l’oubli des histoires d’hommes extraordinaires. C’est ainsi que je me suis lancé, en novembre 2003, avec le numéro 1 de Batailles & Blindés. La ligne éditoriale du magazine a immédiatement enchanté les lecteurs ; c’était vraiment très nouveau. En vingt ans, je n’ai rien perdu de mon envie d’innover, quant à ma passion pour l’histoire, elle est plus vivace que jamais !
Le Rombier: Dans la presse spécialisée francophone, vos magazines ont pris toute leur place. Quels ont été vos facteurs-clés de succès ?
Yannis Kadari: Ils sont faits avec l’amour de l’histoire et le respect du lecteur. Nous sommes tous des lecteurs avides à la rédaction, aussi nous savons à quel point un texte mal rédigé peut être frustrant et décevant. Nous apportons donc le plus grand soin à nos publications. Il y a les angles d’analyse qui sont variés, ou comment présenter un fait connu en apportant du neuf. Et comme l’image est essentielle pour comprendre une époque, nous ne lésinons pas sur les illustrations, que ce soient les photos, les plans, les profils d’avions ou de chars ou encore les infographies en 3D. J’ai été le premier en Europe à les introduire dans des revues grand public, notamment avec LOS, notre bimestriel consacré à l’histoire de la guerre navale. La mise en pages est aussi très travaillée, il y a un style Caraktère qui est reconnaissable. Les magazines ont changé la donne sur le marché. Et c’est avec le même état d’esprit que la gamme de livres a été conçue. En quelques années, la maison d’édition a publié 66 ouvrages, ce qui en fait un acteur de premier plan dans le secteur de l’édition d’histoire française
Le Rombier: Parlons des auteurs, on constate qu’une certain nombre d’entre eux ont fait leurs premières armes dans les magazines de Caraktère et sont devenus aujourd’hui des historiens connus et reconnus. Parlez nous de quelques collaborations dont vous êtes le plus fier ?
Yannis Kadari: Les auteurs sont essentiels pour une maison d’édition. Leur recrutement s’est fait naturellement, et souvent de manière spontanée et informelle. Beaucoup de nos auteurs sont d’anciens lecteurs qui ont sauté le pas, certains ont même pris des responsabilités dans l’entreprise ; avouez que ce n’est pas banal ! Ça montre aussi que j’ai pensé ces revues en me mettant à la place du lecteur, du passionné. Un temps de formation a été nécessaire, mais ces auteurs avaient déjà beaucoup de talent et un potentiel bien réel.
Il y a une seconde catégorie d’auteurs dont je suis particulièrement fier, ce sont les militaires qui nous ont fait confiance. Quand des hommes de l’art s’impliquent, rédigent et signent des articles ou des livres de leur nom, ça ne peut signifier qu’une seule chose : c’est que la publication est crédible et bien considérée dans la hiérarchie militaire. C’est un marqueur important quant à la qualité des publications de Caraktère. Cette collaboration a d’ailleurs fonctionné dans les deux sens puisqu’au cœur des années 2010, j’ai eu l’honneur et le privilège de servir en tant qu’officier de réserve (RC) au sein des écoles militaires de Saumur, en particulier l’Ecole de Cavalerie ; j’y ai donné de nombreuses conférences, écrit des articles, et j’ai participé en tant qu’expert en histoire de la guerre mécanisée à plusieurs missions de recherche et de prospective.
Le Rombier: Depuis quelques années, on a vu que votre champ d’édition s‘était élargi à la publications d’ouvrages historiques. Qu’est ce qui vous a motivé dans cette voie ? Quelle est votre ligne éditoriale ? Comment ont réagi les lecteurs ?
Yannis Kadari: L’édition de livres est un complément naturel à celle des titres de presse. L’avantage du livre, c’est qu’il offre plus de place pour s’exprimer et donner libre cours à sa passion ! Nos ouvrages sont conçus comme nos magazines, avec sérieux et générosité.
D’aucuns pourraient se demander pourquoi l’éditeur que je suis ne s’est intéressé aux livres qu’assez tardivement, Caraktère n’ayant commencé à s’engager dans cette voie qu’en 2017. En réalité, le livre m’a toujours fasciné, la preuve en est avec la collection des « Maitres de Guerre » que j’ai crée en 2010 aux prestigieuses éditions Perrin, où j’ai notamment publié la biographie du Général Patton. De 2010 à 2016, j’étais tous simplement occupé à faire vivre cette formidable collection avec mon complice et ami, l’historien François Kersaudy. Cette expérience aura été enrichissante et formatrice, et c’est fort de ce savoir que j’ai lancé la gamme des livres de Caraktère.
Nos collections vont continuer à s’enrichir, tandis que nous ouvrons le champ de nos investigations historiques à d’autres périodes, comme avec l’ouvrage de François Villette récemment paru, intitulé « Liberté » et consacré à l’aide apportée par les Français aux insurgés américains engagés dans leur guerre d’indépendance face à l’empire britannique.
Le Rombier: Et si on se tourne vers l’avenir ? Vers les 10 ans qui viennent ? Toujours motivé, Yannis Kadari ? De nouveaux projets ?
Yannis Kadari: Toujours motivé, évidemment ! J’ai la chance de vivre une aventure extraordinaire et de faire un métier exaltant ! Les projets sont nombreux, aussi bien avec Caraktère, qu’avec Overlord Press et Malaya, des maisons d’édition (établies en France et en Grande-Bretagne) que j’ai développées et qui prospèrent dans les achats de droits de livres étrangers.
Mais je travaille aussi sur un projet différent, bien qu’ayant un lien évident avec mon métier actuel, mon expérience et mon savoir-faire. Il s’agit d’une application pour téléphones portables « intelligents » (smartphones) qui est baptisée « Geostories ». Cette idée est le fruit d’un constant : l’histoire fascine quand elle nous concerne directement, quand on réalise qu’elle s’est déroulée à proximité immédiate de nos existences et de nos lieux de vie. Et comme nos smartphones nous accompagnent partout, l’idée de « Geostories » s’est imposée à moi. Il s’agit d’une application à vocation culturelle permettant à l’utilisateur d’acquérir un savoir historique de manière agréable et ludique. Elle fonctionne par dates anniversaires (éphémérides) mais aussi, et c’est très innovant dans ce domaine, par géolocalisation.
Le principe, c’est en quelque sorte de voyager dans le temps : l’utilisateur reçoit au rythme de son choix (quotidien, hebdomadaire, etc.) un résumé illustré d’un ou de plusieurs événements historiques, en fonction des époques qui l’intéressent, enrichissant ainsi son corpus de connaissances générales. Mais il y a mieux, selon l’endroit où il se trouve, il obtient des informations en lien avec l’histoire locale, lui indiquant les lieux à visiter, évoquant des anecdotes, des personnages importants, etc. Il s’agit littéralement de marcher dans les pas de ceux qui ont fait l’histoire, en étant guidé par un contenu multimédia varié et validé par des experts et des historiens, et pourquoi pas demain avec de la réalité augmentée ! Une manière innovante pour les enfants et les adultes d’en apprendre davantage sur l’histoire, permettant une compréhension approfondie de notre monde et des temps actuels, produits du passé.
L’application réunit culture, tourisme et loisirs. Elle a aussi une vocation sociale car, outre la possibilité de dialoguer entre utilisateurs ou de collectionner des avatars ou d’échanger des artefacts virtuels, ceux-ci pourront aussi devenir des créateurs de contenus en proposant des articles sur des sujets locaux ; une sorte de journalisme historique citoyen 2.0 !
Pour faire vivre « Geostories », j’ai créé Cadet Publishing aux USA en 2021, l’application devant être lancée outre-Atlantique dans les prochaines années, avant d’être déployée en Europe. Le projet est avancé, mais il reste beaucoup de travail et toute une structure à concevoir, des équipes à former, etc.
C’est ma passion pour l’histoire qui m’a amené à imaginer cette application, comme elle m’avait amené à créer Caraktère en 2003 !
Merci, Yannis Kadari pour cet échange et continuez à innover et à nous surprendre, encore et encore !