Un reportage exceptionnel sur le front des Balkans en 1915.


Ce récit est exceptionnel. Il est le fruit d’un journaliste/auteur de talent, John Reed qui va bourlinguer en 1915 de la Serbie à la Russie en passant par la Roumanie, la Bulgarie, la Grève et la Turquie. Du grand reportage dans le style d’Albert Londres. Au delà du témoignage que peut apporter le grand reporter, l’intérêt principal de « La guerre dans les Balkans » fut pour moi le portrait que fait John Reed de la vie, des mœurs, des aspirations des peuples rencontrés. La qualité de sa plume fit beaucoup quant à mon engouement pour cet ouvrage.

L’ouvrage est introduit par une longue préface de François Maspéro dont je n’ai pu m’empêcher de tirer ce texte: « Il était grand et fort, blond aux yeux bleus: taillé en bûcheron, né à l’extrême frontière du Far West, de l’autre côté des Rocheuses, sur le Pacifique; il était aussi poète et sensible, étudiant indiscipliné de la meilleure université de la Nouvelle-Angleterre: Harvard. Ce WASP par excellence, issu de la meilleure bourgeoisie, est mort à trente-trois ans, en 1920, du typhus contracté au fond de l’Azerbaïdjan où il représentait son pays au congrès des Peuples d’Orient. Il est enterré, comme un bolchevique exemplaire, sous les murs du Kremlin. »

Quant au style de Reed, je vous laisse l’apprécier au travers de cet extrait sur les Serbes:

« En arrivant sur le quai, j’ai pensé avec admiration à ces serbes, à leur origine et à leur destin. Ils sont le seul peuple des Balkans qui ne se soit pas mélangé depuis son arrivée dans la région, il y a de cela huit siècles, et le seul qui ait construit sa propre civilisation, que nul n’est venu modifier. Les Romains possédaient une ligne de forteresses dans les montages, mais ils n’ont pas établi de colonies. Les Croisés n’ont fait que passer. Les Serbes ont tenu leurs défilés étroits contre les Tartares de Bulgarie, les Daces de Roumanie, les Huns et les Tchèques du Nord, et tandis que leurs voisins luttaient pour se libérer du joug des Turcs avec l’aide armée des nations européennes, la Serbie se libérait toute seule. Alors que l’Europe imposait des dynasties étrangères à la Bulgarie, la Roumanie et la Grèce, la Serbie était gouvernée par des souverains authentiquement serbes. Avec un tel héritage et une telle histoire, avec la volonté impérialiste qui grandit de jour en jour, d’heure en heure, dans le cœur de ses paysans-soldats, à quels terribles conflits l’ambition serbe ne va-t-elle pas mener le pays ? »

A noter que John Reed fut un militant socialiste  ce qui n’enlève ni n’ajoute rien à la qualité de cet ouvrage.

A lire en complément de l’excellent « La Serbie 1914-1918 » de Frédéric Le Moal.

La guerre dans les Balkans de John Reed avec une bonne préface de François Maspéro et une carte dans le texte. Aux éditions du Seuil en 1996 sur une édition originale de 1916.



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