En 2009 sortaient les mémoires du colonel Jean Sassi aux éditions Nimrod. Le colonel avait attendu plus de 40 ans pour confier ses souvenirs au journaliste Jean-Louis Tremblais. Il nous avait emmené de la France de la défaite à la France Combattante, des Jedburghs à Calcutta jusqu’aux hauts plateaux du Laos et l’Algérie… J’avais beaucoup apprécié cet ouvrage: « Opérations spéciales, 20 ans de guerres secrètes ».
Au décès du colonel Sassi, toute une série de carnets personnels et de lettres sont remontés à la surface et ont été confié à l’éditeur, Nimrod, qui nous les livre, bruts de forme, dans cet ouvrage-ci: « L’âme d’un guerrier, carnets (1941-1961).
On n’est plus ici dans le récit de guerre mais dans l’intimité de l’homme de guerre. Cet ouvrage se lit en contre-point de « Opérations spéciales: 20 ans de guerres secrètes ». On y découvrira les états d’âme, les relations personnelles avec sa famille, les femmes qui sont passées dans sa vie, ses camarades et ses rapports à la hiérarchie et ses analyses souvent désabusées mais toujours non dénuées d’humour. Le tout dans un style assez unique.
Si l’ouvrage est difficile à appréhender indépendamment des mémoires du colonel, il permettra au lecteur de mieux comprendre l’époque folle vécue par Jean Sassi, les difficultés de la vie d’un officier guerroyant de par le monde et les états d’âme d’un guerrier d’exception.
Vous pouvez télécharger la préface de Jean-Louis Tremblais ici.
Je ne peux résister à vous livrer quelques lignes illustrant bien l’esprit et la plume de Jean Sassi:
« Khang Khay, 23 mars 1954: Je reviens de l’EM (état-major), où j’ai eu l’honneur d’évoluer dans les plus hautes sphères. Me suis frotté aux vainqueurs de demain, aux plus purs esprits. Ai vu à l’œuvre nos Dieux de la Guerre, vachement auréolés de gloire, constellés de décorations et dûment galonnés. J’y étais parti tel un boulet de canon atomique pour régler des questions que dans ma candeur de broussailleux primitif, ignorant, crasseux, je croyais urgentes et d’une importance extrême. Mais, vu d’en bas, rien n’a d’importance sinon la chaleur, la sieste, les couchers de soleil sur les bords d’un grand fleuve pacifique et célèbre. Le cognac-soda frais et bien tassé, les petites réunions au cercle avec cravate, pantalons et manches longues, où les dames afattes (pour Afat, auxiliaire féminine de l’Armée de terre) racontent à nos étoiles tous les potins de la Cour, entre deux rires, deux bras et deux tortillements de fesses faiblement satisfaites. »
Bienvenue dans le monde épistolaire du colonel Sassi !