C’est avec grand plaisir que le blog Bir-Hacheim accueille aujourd’hui la recension de François-Xavier Euzet sur un ouvrage relatant des faits militaires.
C’est un plaisir à double titre:
- d’abord, je connais François-Xavier Euzet à travers notre hobby commun, le wargame, et j’ai eu l’occasion d’apprécier régulièrement ses contributions aux forums consacrés au hobby et ses articles dans Vae Victis et Battles Magazine. Il est d’ailleurs l’auteur d’une très bonne simulation de l’assaut des soviétiques sur Berlin en 1945 que je vous conseille vivement !
- ensuite, sa recension porte sur un ouvrage très intéressant. Les mémoires de Félix von Lückner, l’acteur le plus emblématique de la guerre de course que livrèrent les voiliers de la marine allemande durant la première guerre mondiale. Cette guerre à base de voiliers peut paraître anachronique au temps de la vapeur, des charbonnages et de la TSF mais c’est oublier l’autonomie accrue et la souplesse des voiliers dans un combat inégal où ruse et camouflage furent essentiels. Cette lecture mérite d’être complétée par le très bon texte de Pierre Iltis dans le récent Champs de Bataille n°41.
Voici la recension de François-Xavier Euzet:
- Sous un titre intrigant, « Le dernier corsaire (1914-1918) », se trouve les mémoires de Felix von Lückner, commandant du dernier corsaire à voile, opérant pendant la 1ere guerre mondiale. Un corsaire à voile pendant la 1ere guerre mondiale ? Aussi incongru que cela puisse paraître c’est pourtant le cas.
- Le Seeadler (aigle des mers), trois mats de 1700 tonneaux et armé de seulement 2 canons, avait pour tâche de briser le blocus allié en mer du nord et d’attaquer les voiliers alliés dans l’Atlantique dans le cadre de la guerre sur mer.
- Malgré le titre, qui tend à faire croire à un centrage exclusivement sur les années de guerre, le récit commence bien avant avec l’enfance de l’auteur, celui-ci ayant dû « fuguer » pour s’embarquer comme marin. Au court d’un récit à rebondissements, on va donc le suivre au travers de toutes les mers du monde, de Hambourg à Hawaï, passant par l’académie navale, prenant le commandement de la canonnière Panther en 1913 (à l’origine de l’incident au Maroc en 1911), puis commandant d’une tourelle du cuirassé Kronprinz durant la bataille du Jutland, et enfin sur le Seeadler.
- L’épopée du navire-corsaire est ensuite abordée en détail, jusqu’à sa fin lors de son naufrage dans le Pacifique, est suivie par le passage dans les camps d’emprisonnement alliés et des diverses tentatives pour s’en échapper.
- Il faut donc arriver à la moitié du livre avant d’aborder ce quoi le titre semblait porter. Mais vu l’intérêt du récit, je suis le dernier à m’en plaindre. Et si déjà l’histoire en elle-même est incroyable (aventures improbables, attaque de navires à vapeur avec un voilier, évasions rocambolesques), et même s’il semble que l’auteur ait tendance à un peu « enjoliver » les faits, le récit est parfaitement écrit (ou tout au moins traduit), et très agréable à lire. Les 300 pages coulent comme de l’eau et j’ai eu du mal à m’en détacher avant la fin.
- Rien que par lui-même, le personnage est d’ailleurs attachant par son expérience qui l’éloigne fortement de junkers allemands et de la rigueur prussienne qui peut caractériser l’Allemagne de l’époque. Il s’enorgueillit ainsi d’avoir coulé ou capturé plus de 15 navires (je n’ai plus le compte exact en tête) sans faire une seule victime, ce qui en temps de guerre, et quelle guerre, dénote tout de même d’un esprit un peu particulier !
- C’est donc un excellent livre que je recommande à ceux qui aiment les récits d’aventure et de voyage. Henry de Monfreid n’aurait probablement pas dédaigné ce genre de péripéties, et les amateurs du genre ne seront pas dépaysés.
Et pour ma part, je salue et remercie François-Xavier Euzet pour cette belle recension ! A bientôt, j’espère !
« Le dernier corsaire » est disponible aux éditions La bibliothèque (2006). Pour ma part, j’ai la version parue chez Payot en 1926.