Je suis passé par l’Alsace récemment et j’ai eu l’occasion de visiter la fortification de Mutzig.
J’avoue n’en avoir jamais entendu parler jusqu’ici. Pour moi, à l’est, il y avait avant tout la forteresse de Metz construite par les Allemands et la ligne Maginot par les Français.
Et bien, Mutzig, c’est:
Il s’agit d’une hauteur fortifiée entre Strasbourg et le col de Saales qui était chargée de couvrir, par ses feux d’artillerie les espaces de pénétration possibles en Alsace du Nord.
Évidement, cette forteresse, de son vrai nom Feste Kaiser Wilhelm II fut construite durant l’occupation de l’Alsace par les Allemands après la défaite française de 1871. De fait, elle ne fut jamais complétement achevée, la 1ère guerre mondiale survenant.
Mutzig a quelque chose d’exceptionnel en ce qu’il s’agit d’une construction réellement innovante pour l’époque: une forteresse ouverte, dispersée, constituée de blocs de béton armé, couverte par des champs de barbelés avec des abris d’infanterie permettant de vivre en autarcie et bénéficiant d’un réseau électrique autonome. En ce qui concerne l’artillerie, on y trouve beaucoup d’expérimentations nouvelles: des tourelles à éclipse, des tourelles d’obusiers et une batterie de canons de marine installée dans l’urgence par exemple.
Le terrain de la forteresse reste, sur la majorité de sa surface, un terrain militaire, non ouvert au public. L’association qui porte le projet de sa restauration existe depuis près de 30 ans, compte 80 membres passionnés et bénévoles, allemands et français. Elle a procédé à des restaurations réellement remarquables sur une partie de la position que ce soit à la surface du sol ou au niveau des constructions souterraines. La restauration des lieux de vie et surtout de la salle des machines diesel est vraiment parfaite.
Si on ajoute que la visite est réalisée par des membres passionnés de l’association, qu’elle dure plus de deux heures et qu’elle ne coûte que 9€ par personne, vous comprendrez qu’il s’agit d’un déplacement incontournable pour tous les passionnés d’histoire ou de fortification militaire.
Pour en savoir plus, allez visiter le site de l’association.
Mutzig n’est que le deuxième rideau défensif de Strasbourg construit par les allemands (juste avant le WWI).
Dès l’annexion en 1871, ils ont construit une première ceinture de fortifications autour de la ville (principalement là où eux-mêmes s’étaient installé en 1870 pour bombarder Strasbourg). Cette ceinture était malheureusement devenu obsolète à son achèvement à la fin des années 1880 : la portée des canons avait considérablement augmenté et le béton avait fait son apparition (d’où la construction du fort de Mutzig).
Si la plupart de ces forts sont à l’abandon, celui d’Oberhausbergen a été rénové par une association de passionnés et est visitable (Fort Frère).
Je ne connaissais pas non plus le « fort Frère »
http://www.fort-frere.fr/
Merci !
😉
La ceinture fortifiée de Mutzig, qui compte 19 forts, est construite de 1874 à 1884. Les forts sont alors construits en brique et pierre de taille, recouverts de terre.
L’apparition de la mélinite, qui remplace la poudre noire, associée à de nouveaux obus en acier, provoque au niveau mondial une grave crise dans le monde des fortifications.
Les forts de Strasbourg sont alors partiellement renforcés, de la même manière que le sont alors les forts français : recouverts de béton, ils sont partiellement cuirassés.
Au début des années 1890, le rapprochement stratégique entre France et Russie provoque en Allemagne le risque d’une guerre sur deux fronts. Naît alors l’idée d’une attaque sur la France à travers la Belgique, à laquelle succédera une attaque sur la Russie.
Pour couvrir les arrière de l’armée allemande engagée en Belgique, il est nécessaire de couvrir l’Alsace et la Lorraine.
En Alsace, la Feste Kaiser Wilhelm II devient la pierre angulaire de la stratégie allemande.
Les canons de Strasbourg ont une portée insuffisante pour couvrir la largeur de la plaine d’Alsace jusqu’aux Vosges. La construction de la Feste Kaiser Wilhelm II permet de barrer le passage entre les Vosges et les forts de Strasbourg, empêchant ainsi une offensive française qui remonterait le long du Rhin de menacer les arrières des troupes allemandes.
Mutzig et Strasbourg ne sont donc pas deux positions séparées dans leur fonction, mais deux systèmes qui ont une visée stratégique commune. La présence de la Feste, qui barre les débouchés des Vosges vers Strasbourg, dissuade pendant toute la Première Guerre mondiale d’attaquer en direction de la ville, lui épargnant de fait un sort similaire à celui de Verdun…
Le Fort Großherzog von Baden (rebaptisé après 1918 fort Pétain, puis après 1945 fort Frère par les français) est le modèle des forts de Strasbourg. Il est aujourd’hui restauré sous le nom français de « Fort Frère ». Deux autres forts sont restauré, et plusieurs mis en valeur : les forts Moltke (en français Rapp) à Reichstett et Podbielski (en français Ducrot) à Mundolsheim sont en cours de restauration ; le Fort Fürst Bismarck (en français Kleber) à Wolfisheim est ouvert au public mais non mis en valeur comme fort, le fort Werder (en français Uhrich) à Illkirch est mis en valeur par un intéressant sentier de découverte.
L’ensemble des forts de la ceinture de Strasbourg est mis en valeur par la « piste des forts », qui permet de visiter à vélo tout ou partie de ce patrimoine : http://www.strasbourg.eu/environnement-qualite-de-vie/deplacements/velo/piste-des-forts