Cinq destins d’officiers pris dans les tourmentes de la guerre et de l’Empire colonial français.

Le pari est original: rassembler cinq acteurs importants de l’armée française au 20ème siècle avec des destins qui s’entrecroisent au grès des événements et Dieu sait qu’il y en a eu, en ce qui concerne l’histoire de la France et de son empire colonial !

  • Général André Corap, le bouc émissaire. On connaît surtout de Corap sa confrontation brutale avec la blitzkrieg allemande un certain mois de mai 1940 avec le résultat qu’on  connait: l’explosion de sa 9ème Armée et l’opprobre jetée sur lui par le pouvoir politique.  C’est tout à l’honneur de Max Shiavon d’avoir voulu nous faire connaître le parcours de qualité de cet officier: formation, Armée d’Afrique, la 1ère guerre mondiale, la guerre du Rif. Ce sera ensuite la montée rapide en grade de l’officier supérieur et le front des Ardennes en 1940. En conclusion, l’auteur rétablit largement l’image courante de Corap. A lire.
  • Général Raoul Salan, l’homme d’honneur. Quel parcours pour celui qu’on surnommera « le mandarin » ! 1ère guerre mondiale, Levant et ce sera l’Indochine pour laquelle il eut le coup de foudre. Les deux campagnes de France ne seront que l’intermède de celui qui devint  l’un des acteurs majeurs de la guerre d’Indochine. Son destin basculera durant la guerre d’Algérie. Il prend le commandement en chef des troupes et s’engage peu à peu dans une situation politique complexe. Mis à l’écart et à la retraite, il finira par s’engager dans le putsch d’Alger puis dans l’OAS. Il échappa de peu à la peine de mort. Par Max Shiavon. A l’occasion, lisez les mémoires de Salan parues aux Presses de la CIté ou la biographie que lui a consacré Alain Gandy chez Perrin.
  • Général Christian De La Croix De Castries, le gentleman des antipodes. Évidemment, on connaît surtout de lui son commandement du GONO durant la défaite de Dien Bien Phu. Mais l’homme ne se résume pas à cet événement majeur de la fin de l’Empire français. C’est ce que nous démontre Max Shiavon dans les 20 pages qu’il lui consacre. Militaire dilettante à ses débuts, cavalier compétiteur hors-pair, c’est la guerre qui va révéler le guerrier qui sommeillait. Elle va faire de lui un officier accrocheur, efficace et l’un des « maréchaux de De Lattre ». Sa carrière en Indochine va connaître une progression constante et rapide jusqu’à cette nomination à Dien Bien Phu. On connait la suite. Les parties consacrées à la fin de carrière de De Castries sont utiles.
  • Général Marcel Bigeard, le centurion. Il est clair que le titre lui va comme un gant car Bigeard-Bruno est bien le Raspéguy de Jean Lartéguy dans « Les centurions » ! Petit gars de Toul, saute-ruisseau à la Société Générale, le jeune Marcel ne se destinait guère à l’Armée. C’est le service militaire et la guerre qui vont faire de lui un soldat, un officier et un para. On connaît la suite: le capitaine en Haute Région, le chef de bataillon du 6ème BPC de Tu Le et de Dien Bien Phu et le colonel du 3ème RPC en Algérie. Il échappera à la fin de la guerre d’Algérie et il aura une fin de carrière militaire active et une vie politique chargée. Je me souviendrais toujours de ses interventions enjouées à l’Assemblée Nationale, des morceaux de bravoure ! Bruno nous manque terriblement ! Une belle présentation par Alexandre Thers.
  • Général Jacques Massu, le fidèle grognard. Une « belle gueule de grognard » en effet ! L’Armée d’Afrique fut le creuset de sa formation, c’est là aussi qu’il fit la connaissance de Leclerc qu’il suivra du Fezzan à Paris, des Vosges en Allemagne puis en Indochine. On le retrouvera parachutiste à 39 ans puis en Algérie à la tête de la 10ème DP. Engagé de plus en plus dans la vie politique brûlante d’Alger, il se brouillera avec De Gaulle. Loin des événements d’Alger, sa carrière reprendra son cours et on se souviendra de la rencontre de Baden en 1968 où il redonnera le coup de moral au général De Gaulle vieillissant. S’il n’a pas le charisme d’un Bigeard, Massu fut bien l’un des officiers majeurs de la période. Par Alexandre Thers également.

A noter que les textes sont régulièrement émaillés des notes et citations de ces différents officiers. Bien évidemment, l’iconographie est importante et pertinente comme souvent dans Ligne de Front.

Bref, un numéro bien agréable que je vous conseille avec plaisir !

Ligne de front hors-série n°19, numéro d’août & septembre 2013.

 

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