A la recherche de l’appelé moyen ?
Jean-Pierre Vittori, journaliste, fut un de ces appelés engagés dans la guerre d’Algérie. Dans cette enquête, parue pour la première fois en 1971, il a voulu faire parler, comme il le dit lui même, l’ « appelé moyen ».
En effet, les jeunes appelés ou rappelés durant les « événements d’Algérie », qui durèrent 8 ans, furent plus de 2 millions et demi.
Si le propos est louable, la méthode reste spécieuse et ne constitue en aucun cas un regard historique porté sur l’engagement du contingent en Algérie: 300 interviews et une enquête auprès de 66 lycéens ne constituent pas une base historique fiable permettant d’apporter un éclairage rigoureux sur ce conflit si complexe.
De plus, à la lecture des titres de chapitres, on peut comprendre d’emblée le parti pris de l’auteur:
- la révolté des rappelés,
- la vie quotidienne,
- accidents – suicides et embuscades,
- prisonniers du FLN,
- les paras,
- la torture,
- putsch et contingent,
- traumatismes.
Tout à sa critique d’une guerre qu’il qualifie de coloniale, l’auteur passe à côté d’un sujet pourtant essentiel: la guerre insurrectionnelle et la contre-insurrection.
L’Indochine avait été perdue parce que la France n’avait pas engagé de moyens suffisants, la guerre d’Algérie a été militairement gagnée parce qu’elle a engagé le contingent. Fallait-il faire la guerre pour l’Indochine ? Fallait-il faire la guerre pour l’Algérie ? Toutes deux ont été perdues: les nationalismes et l’internationale communiste étaient passés par là. Ne pas remettre le sujet dans sa dimension internationale enlève beaucoup de clarté à un sujet historique.
Néanmoins, cet ouvrage reste intéressant pour deux raisons.
L’une est bonne: la guerre d’Algérie a aussi été ce que décrit l’auteur pour les appelés. Pas pour tous les appelés.
L’autre est mauvaise: un ouvrage sur l’Algérie est toujours perçu comme un ouvrage d’histoire. Les méthodes d’enquêtes sociologiques, par définition restreintes, ne permettent pas d’établir un diagnostic historique digne de ce nom. On retrouve la même démarche dans l’ouvrage de Patrick Rothman: « L’ennemi intime » commenté par ailleurs.
Pour finir, quelques ouvrages recommandés sur le sujet des appelés en Algérie:
- Soldats en Algérie de Jean-Charles Jauffret – Ed Autrement
- Militaires et guérilla dans la guerre d’Algérie de Jean-Charles Jauffret et Maurice Vaisse – Ed Complexe