Le premier ouvrage du colonel Michel Goya, La chair et l’acier, fut, pour moi, une vraie découverte comme je les aime et qui sont la source de motivation à partager mes lectures via le blog du rombier. 😉
Les ouvrages suivants n’ont pas démenti l’intérêt que je porte au travaux de cet auteur, historien mais aussi commentateur permanent de l’actualité militaire via ses interventions régulières dans les médias mais surtout au travers de son blog La voie de l’épée.
En cette fin d’année 2019, Miche Goya nous propose un nouvel ouvrage « S’adapter pour vaincre ». Il s’agit d’une somme de sept textes de l’auteur formant l’ossature d’un cours donné à l’Institut des études politiques. J’avais quelques craintes sur la discontinuité possible de ce type d’ouvrage mais ce ne fut pas le cas.
Le sujet, l’adaptation des armées à la réalité de la guerre, m’a toujours passionné. Ce qui est intéressant chez Michel Goya, et je l’avais déjà observé dans ses autres ouvrages, c’est qu’il fait appel à un corpus de sciences peu présent, en général, dans les ouvrages d’histoire militaire: économie, sociologie voire psychologie. Et ça se révèle souvent efficace. A titre d’exemple, la réflexion sur les innovations radicales et incrémentales, sujet bien connu de ceux qui côtoient le secteur des nouvelles technologies. Au final, cela nous propose une lecture vivifiante dans un style direct et clair et qui ouvre bien des pistes à des recherches additionnelles !
Les sept chapitres, chacun d’une cinquantaine de pages, sont tous pertinents:
- L’armée prussienne face aux révolutions (1789 – 1871): ou comment faire naître une machine de guerre infernale de la « Grande Catastrophe » de 1806…
- La victoire en changeant. Comment les Poilus ont transformé l’armée française (1914-1918): sûrement l’un des chapitres les plus aboutis, la 1ère guerre mondiale étant le terrain de chasse privilégié de Michel Goya (voir aussi son Les vainqueurs).
- Pour le meilleur et pour l’Empire. La Royal Navy face à son déclin (1880-1945). Là, le colonel Goya sort largement de son champ de compétences… terrestres ! Et il le fait de fort belle manière entre évolutions technologiques, coûts exorbitants et apparition de nouvelles puissances mondiales !
- Bomber Offensive. Le Bomber Command et la 8e Air Force contre le Reich (1939-1945). Ici, on prend de l’altitude pour se confronter au problème des nouvelles voies pour mettre fin à la guerre: choix doctrinaux, innovations technologiques, choix économiques et industriels. Tout y est, même les différences d’approches entre Allemands, Britanniques et Américains. Je pense que c’est le chapitre où j’ai le plus appris. Passionnant !
- On ne badine pas avec l’atome. Guerre froide et feu nucléaire (1945-1990). Certes la guerre froide n’a jamais basculé en conflit thermo-nucléaire mais on n’est pas passé si loin. Michel Goya nous présente l’évolution des armes et des doctrines d’emploi dans cette course aux extrêmes sur fond d’innovation technologique permanente de l’arme et de ses lanceurs ! Sujet ici aussi bien maîtrisé et d’une lecture passionnante !
- Le temps des centurions L’évolution de l’armée française pendant la guerre d’Algérie (1954-1962). Là, on est bien dans l’un de mes sujets de prédilection: la guerre asymétrique et les conflits de la décolonisation. Pas de langue de bois par un spécialiste de l’armée française. L’évolution doctrinale, les conséquences de la guerre d’Indochine, la torture et l’impact sur l’armée d’après-guerre, tout y est !
- L’US Army et la guerre moderne. Entre guerres imaginées et guerres menées (1945-2003). Une armée capable d’évoluer rapidement en termes d’effectifs, de moyens matériels et de doctrine et souvent à contretemps ! On retrouve là les qualités et défauts de la société américaine devenue bien hégémonique…
L’ouvrage se termine par une belle conclusion de près de trente pages: la transformation des éléphants. Le choc avec l’adversaire, la pratique du combat et les retex constituent bien la voie sur laquelle se construit la capacité des armées à évoluer pour vaincre…
Un ensemble de textes à ne pas manquer et qui bousculera votre connaissance de la guerre et des armées.
Un ouvrage de 432 pages avec notes, bibliographie sélective et un index des noms cités. Aux éditions Perrin en août 2019.